Reconnaître les symptômes d'une carence ou d'un excès en azote en agriculture
Lorsque les plantes n’ont pas suffisamment de nutriments pour répondre à leurs besoins ou, au contraire, lorsqu’elles ont trop de nutriments à disposition, elles présentent certains symptômes révélateurs. Dans les deux cas, il est nécessaire de rapidement mettre en place des stratégies afin de répondre au problème touchant l'équilibre azoté, en augmentant ou diminuant l’apport d‘engrais azoté. L’identification visuelle, bien qu’elle ne soit pas la plus fiable, est l'un des outils qui permet de comprendre la nature de ce problème et de reconnaître efficacement ses symptômes.
De la décoloration à la diminution du rendement : les symptômes visuels révélateurs d'une carence en azote
Lorsque les plantes manquent d’azote, elles présentent une croissance retardée et plus lente ainsi que des tiges et des feuilles de petite taille. Le premier indice facilement identifiable est la couleur des feuilles. Les anciennes feuilles deviennent pâles et d'une couleur vert-jaunâtre en raison d'une chlorophylle limitée et détériorée. Cette couleur se propage de l'intérieur vers l'extérieur de la feuille, jusqu'à sa base. Les feuilles âgées situées en bas de la plante sont les premières touchées car la plante transfère le peu d'azote disponible jusqu'aux jeunes feuilles situées plus haut. Ces jeunes feuilles restent vertes jusqu'à ce que la carence soit grave. Dans certains cas, comme celui du chou, les feuilles peuvent prendre des couleurs violettes au lieu de jaunes car d’autres pigments que la chlorophylle s’accumulent.
éventuellement, si la carence en azote s'aggrave, il se peut que la croissance s'arrête totalement, que toutes les feuilles deviennent brunes puis tombent. Les tiges deviendront alors minces, avec moins de branches latérales. Le rendement des cultures est donc réduit.

Chez les céréales comme le blé, le maïs, le riz, l’orge et le sorgho, une décoloration jaune, de l'extrémité de la feuille vers l'arrière, en forme de "V", est fréquente. Les tiges sont minces, les épis courts et les grains ont une faible teneur en protéines. L'enroulement des feuilles et des tubercules atrophiés sont fréquents chez la pomme de terre. Chez d'autres graminées, les symptômes sont moins spécifiques, avec un jaunissement général et un dessèchement des feuilles inférieures. Dans le cas de plantes telles que le coton, les symptômes de carence en azote sont moins prononcés. Pour la canne à sucre, les carences en azote sont visibles par la diminution du nombre de feuilles : elles sont petites, fines et jaunissent. La plante manque de vigueur, les tiges sont fines et moins nombreuses. Enfin, la composition des tissus change puisqu’ils contiennent moins d’eau mais plus de sucres.
Un effet plus spécifique de la carence en azote est observé chez le tabac, avec un jaunissement des feuilles inférieures, suivi d'un séchage ou d'une cuisson des feuilles jaunies. Plus le manque d'azote est important, plus le nombre de feuilles affectées est élevé. Les symptômes visuels du manque d'azote dans les cultures légumières sont généralement caractérisés par un changement de la couleur des feuilles, progressant du vert clair au jaune. En cas de stress prolongé, la plante devient entièrement jaune, la croissance est sévèrement limitée et certaines plantes perdent les feuilles les plus anciennes. Dans les cultures d'arbres fruitiers et de noix, les feuilles sont généralement petites, de couleur vert pâle à vert jaunâtre, le feuillage est clairsemé et rabougri, et les rameaux semblent dépérir. Les feuilles plus âgées tombent et les fruits sont rares et petits.
Il est impossible de recenser l'ensemble des symptômes visibles de carence pour chaque plante ; l'analyse se réalise au cas par cas selon la culture, le sol, les conditions climatiques,... C’est pourquoi, en allant régulièrement sur le terrain, il est conseillé de noter tous les éléments inhabituels pour détecter les symptômes le plus tôt possible. Il est toujours plus facile d'y remédier lorsqu’on intervient dès les premiers signes d’une carence.
De la fragilisation à l’enroulement des feuilles : les symptômes visuels révélateurs d'un excès d’azote
Une carence en éléments nutritifs peut provoquer des symptômes visuels sur une plante, mais cela est aussi valable dans le cas des excès. En effet, un excès d’azote entraîne une croissance végétative trop importante et trop rapide, ce qui fragilise la plante, peut nuire à la nouaison (phase initiale de la formation du fruit) mais également à la conservation des fruits. L'azote étant impliqué dans la croissance végétative, l'excès d'azote se traduit par des plantes hautes avec des tiges minces. Les plantes présenteront un développement important des feuilles qui seront nombreuses mais fines et peu résistantes donc plus sensibles aux maladies comme la verse des céréales. De plus, les plantes présentant un excès d'azote ont une couleur verte foncée et une maturité retardée. Dans des conditions de sécheresse, la plante peut même présenter un effet de brûlure.

Plus spécifiquement, chez les arbres fruitiers, l’excès d’azote contribue fortement au développement du feuillage. Les fruits, alors plus à l’ombre, sont donc moins sucrés car ils se développent et maturent tardivement. Pour les cultures annuelles, la croissance trop rapide peut provoquer des problèmes de verse comme pour le blé (faible résistance de la tige qui ne peut plus soutenir le poids de l’épi) et la diminution de la teneur en sucre de certains fruits et légumes. Elle est aussi responsable d’un épuisement de l'humidité du sol, ce qui est dommageable à court-terme pour les plantes. L'excès d'azote dans le sol et sa lixivation entraînent quant à eux la contamination des eaux souterraines, ce qui est dommageable à long-terme pour l’environnement. Les plantes fertilisées avec des engrais à base d'ammonium (NH4+) peuvent présenter une toxicité NH4+, ce qui se caractérise par une croissance réduite, des lésions sur les tiges et les racines, et des bords de feuilles qui s'enroulent vers le bas.
L’excès d’azote est presque toujours la conséquence d'une application excessive d'engrais ou de fumier. Il est donc essentiel de respecter les doses recommandées pour éviter ces problèmes. Et pour cela, il faut connaître la composition de son sol et les besoins de ses cultures pour établir un bon bilan azoté prévisionnel et ainsi utiliser les bonnes quantités d'engrais.
à noter que les symptômes de carence ou d'excès observés sur le terrain peuvent être différents de ceux présentés ici. L'expérience de l'observateur et la connaissance de l'histoire de la parcelle sont indispensables pour analyser les symptômes. De plus, entre le moment où une plante est déficiente en éléments nutritifs et l'apparition des symptômes visuels, la santé et la productivité de la culture peuvent être considérablement réduites.
Des outils complémentaires pour faire le bon diagnostic
Faire un diagnostic visuel est un bon début, mais il peut être trompeur :
1. De nombreux symptômes semblent similaires et non différenciables à l'oeil nu. Par exemple, les symptômes de carence en azote et en soufre peuvent avoir la même apparence, selon l'emplacement, le stade de croissance et la gravité des carences. Les maladies, la sécheresse, l'excès d'eau, les anomalies génétiques, les résidus d'herbicides et de pesticides, les insectes et le compactage du sol peuvent aussi être confondus avec une carence ou un excès en azote.
2. Plusieurs carences et/ou toxicités peuvent apparaître en même temps.
3. Les espèces cultivées, et même certaines variétés de plantes de la même espèce, n’ont pas les mêmes capacités pour s’adapter aux carences et aux toxicités.
4. Les plantes peuvent être déficientes en éléments nutritifs sans en montrer les signes visuels. Parfois, le seul signe est une baisse de rendement.

Le diagnostic visuel doit donc être complété par des analyses de sol ainsi que l’analyse de la composition chimique d’un échantillon de plantes. Nous vous recommandons d'effectuer régulièrement des analyses pour diagnostiquer rapidement les carences ou excès en azote et traiter les sols en conséquence.
Références :
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