Y a-t-il des réglementations sur les métaux lourds dans les sols en agriculture biologique ?

G. Demarquest , I. aouriri • March 26, 2024

Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à  se convertir à l’agriculture biologique. Le ministère de l’Agriculture dénombre 60 000 fermes engagées en bio en 2022, soit 14,2% des fermes françaises. Cela représente une surface totale de 2,88 millions d'hectares, faisant de la France la première surface bio en Europe. Cette même dynamique est observée dans toute l’Europe et suit l’intérêt croissant des consommateurs pour les produits biologiques et le respect de l'environnement. Ainsi, la Commission européenne a mis en place la stratégie "De la ferme à la fourchette", visant à atteindre 1/4 des terres agricoles cultivées en agriculture biologique pour 2030. Mais, entre les réglementations européennes, le cahier des charges français et les nombreuses évolutions des règlements, il peut être difficile de s’y retrouver. De nombreuses questions émergent chez les agriculteurs souhaitant se convertir au bio, notamment la question de la qualité et la composition des sols nécessaires pour passer au bio.

Les sols agricoles contiennent-ils des métaux lourds ?

Les sols contiennent naturellement des éléments-traces métalliques (ETM), appelés plus communément métaux lourds, notamment l’arsenic, le cadmium, le chrome, le cuivre, le mercure, le nickel, le plomb et le zinc. Ces éléments minéraux sont constitutifs de la croûte terrestre, donc de nos sols. Ils sont dits "lourds" car leur masse volumique est supérieure à 5000 kg/m3. La concentration de ces éléments varie selon les événements géologiques qui ont permis leur formation comme, par exemple, les éruptions volcaniques ou la sédimentation. De manière générale, les quantités dans lesquelles on trouve ces métaux ne posent pas de problèmes de toxicité, que ce soit pour l’environnement, les cultures agricoles ou l’homme.

Cependant, les activités humaines - rejets de l’industrie, des ménages, des transports ou de l’agriculture - posent problèmes puisqu’elles ajoutent davantage de métaux lourds d'origine anthropique dans les sols et contribuent à leur contamination diffuse. De plus, les éléments-traces métalliques ne sont pas tolérés de la même manière par toutes les plantes : certaines meurent mais d’autres les absorbent et les accumulent. Le plomb et le cuivre sont par exemple peu disponibles pour les plantes et migrent peu en profondeur, contrairement au zinc assez mobile et aisément absorbé par la faune ou la flore, notamment dans les sols acides. Or, ces métaux, en contaminant les chaînes alimentaires et la ressource en eau, sont toxiques pour l'homme s’ils sont consommés en trop grande quantité. Ils provoquent par exemple des lésions neurologiques ou augmentent les risques de cancer.

Les métaux lourds posent donc un problème majeur de santé publique. Il est alors évident de se poser des questions sur les réglementations des métaux lourds dans les sols agricoles dès lors que l’on souhaite se convertir à l’agriculture biologique.


Réglementation concernant les métaux lourds en agriculture biologique

Alors, y a-t-il une quantité de métaux lourds dans le sol à respecter si l’on veut se convertir à l’agriculture biologique ? Malgré le danger que peuvent représenter les métaux lourds en grande quantité, non, il n’existe pas, pour le moment, de règlements spécifiques liés aux éléments métalliques dans le sol en bio. Certains pays comme les Pays-Bas ont mis en place des seuils de contaminants au-delà desquels un sol est considéré comme pollué. Mais ce genre de mesure ne serait pas possible en France, la concentration naturelle des sols en métaux lourds étant dépendante des processus de formation du sol. Puisque la France métropolitaine comme outre-mer présente une grande diversité géologique, un sol pourrait être considéré comme pollué dans certains territoires mais pas dans d'autres, sans qu’il y ait, dans les deux cas, de pollution extérieure.


S’il n’y a pas de réglementation sur la quantité de métaux lourds dans le sol, les règles de l’agriculture biologique encadrent, en revanche, les intrants (pesticides, engrais, herbicides). Les agriculteurs bio ne sont pas autorisés à utiliser des pesticides ou des engrais chimiques de synthèse. Le peu d'intrants autorisés, comme les boues de stations d’épuration ou les composts, doivent, quant à eux, respecter des valeurs réglementaires de métaux lourds. En effet, les aliments, qu’ils aient été cultivés en agriculture biologique ou non, doivent respecter des teneurs maximales en métaux lourds fixées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Ainsi, la quantité de métaux lourds dans les intrants est surveillée pour éviter que ces contaminants toxiques arrivent jusque dans nos assiettes.


L’épandage des boues d’épuration, par exemple, qui est un intrant important dans l’agriculture biologique, est très encadré et doit suivre des règles strictes. Même si les métaux lourds dans les boues sont surveillés, tous les sols ne peuvent pas les recevoir, une étude de faisabilité doit donc être effectuée au préalable. Puis, après l'épandage, il faut réaliser un bilan pour vérifier son impact environnemental. Mais vous n'êtes pas seul pour toutes ces démarches et, si vous souhaitez savoir si votre parcelle est apte à recevoir ces intrants, vous pouvez vous rapprocher de votre Chambre d’agriculture régionale et de la Mission d’Expertise et de Suivi des épandages (MESE). Ce service de l'état a pour objectif d'apporter une assistance technique pour la surveillance des épandages, l'organisation et la pérennisation de filières de recyclage qui soient conformes à la réglementation.



Références :

By G. Demarquest , I. aouriri March 26, 2024
Parmi les facteurs naturels qui déterminent la richesse d'un sol, la teneur en humus figure parmi les premiers de la liste. L’humus, qui constitue la couche supérieure du sol, se forme grâce à la décomposition de matière organique fraîche (d'origine végétale ou animale) en matière organique stable via un processus particulier appelé humification. Dès la préhistoire, les agriculteurs ont reconnu l'importance d'apporter régulièrement de la matière organique au sol. Cependant, il a fallu du temps pour comprendre pleinement son impact sur les sols et les cultures. Depuis, de nombreuses études ont contribué à approfondir notre compréhension de ce processus essentiel pour l'agriculture, l'humus représentant 80% du total de la matière organique dans un sol.
By N. Violeau, I. Aouriri March 20, 2024
Au beau milieu du réchauffement climatique, comment se profile l’avenir géopolitique et économique de la Russie et de l’Europe ? Perspectives sur la souveraineté alimentaire, sur les politiques adoptées ainsi que sur les alternatives pour un possible déclin de l’ultra-dépendance européenne au gaz russe, élément indispensable à la fabrication des engrais azotés.
By N. Violeau, I. Aouriri March 20, 2024
En matière de protection de la qualité des eaux, la lutte contre la pollution diffuse par les nitrates est un enjeu important. Avec la publication début 2023 du septième programme d’actions national “nitrates”, le raisonnement de la fertilisation azotée à l’échelle de l’exploitation agricole est, plus que jamais, un sujet d’actualité.
By N.Violeau, Idriss Aouriri March 8, 2024
Le biochar, ce nouvel or noir pour le climat, témoigne des nombreux efforts déployés par le Costa Rica pour réduire l’impact environnemental de ses plantations d’ananas. Il pourrait bien permettre de relever les défis mondiaux liés à la production alimentaire et au changement climatique.
By N. Violeau, I. Aouriri September 22, 2023
Engrais azotés, gaz naturel, instabilité géopolitique, pénuries et volatilité des prix : la guerre en Ukraine nous a cruellement rappelé qu’en matière d’engrais, l’Europe peut difficilement échapper à la domination de la Russie.
By G. Demarquest , I. aouriri September 22, 2023
Dans les années 1960, les pays en développement ont adopté une politique de réforme agricole visant à remédier aux pénuries alimentaires. Connue sous le nom de révolution verte, cette initiative avait pour objectif d'améliorer les pratiques agricoles afin d'accroître la productivité. Une des mesures phares était fondée sur l'utilisation intensive d'engrais azotés de synthèse. En effet, l'avènement quelques années plus tôt du procédé Haber-Bosch - qui synthétise de l'ammoniac à partir d'azote atmosphérique et de gaz naturel - a permis une certaine indépendance de l'agriculture vis à vis des amendements organiques . Dès lors, les engrais minéraux sont devenus la principale source de fertilité, parfois même la seule, ce qui a considérablement contribué à l'augmentation des rendements. Cependant, ces engrais azotés de synthèse suscite l'inquiétude des agriculteurs comme les états, tant sur le plan environnemental que géopolitique. Le président de l’Organisation Mondiale des Agriculteurs, Theo De Jager, déclarait d’ailleurs en mai 2022 sur la question de la disponibilité des engrais que "nous sommes déjà au milieu d’une crise alimentaire dont il faut désormais évaluer l’ampleur et la gravité" . L’approvisionnement en engrais azotés joue donc un rôle majeur dans la sécurité alimentaire mondiale et implique des enjeux géopolitiques forts.
By G. Demarquest , I. aouriri September 22, 2023
L'azote est présent dans la nature sous plusieurs formes : gazeuse, minérale et organique. Les sols fertiles contiennent beaucoup d'azote sous forme organique, plus qu'il n'en faut pour la nutrition des cultures. Cependant, cet azote n'est pas immédiatement disponible pour les plantes, il doit d'abord être transformé en azote minéral pour devenir un nutriment. C'est grâce à des processus biologiques que des micro-organismes transforment l’azote organique en azote minéral assimilable par les cultures. Ainsi, dans le sol l'azote subit de nombreuses transformations, passant d'une forme à une autre à mesure que les organismes l'utilisent.
By G. Demarquest , I. aouriri September 21, 2023
De février à avril, en France, les agriculteurs épandent sur leurs parcelles des engrais azotés minéraux pour favoriser la croissance de leurs cultures. Sur les 2,2 millions de tonnes d’azote utilisées en France, seule la moitié sert véritablement aux plantes, tandis que l’autre moitié se perd dans l’environnement. Cette quantité non-assimilée témoigne de l'utilisation excessive d'engrais azotés et a montré ses impacts négatifs sur le sol, l'air et les écosystèmes aquatiques.
Ngenesis engrais azotés
By Idriss Aouriri August 23, 2023
Aussi loin que nous remontons dans l’histoire de l’agriculture nous comprenons que le monde paysan a toujours parfaitement fait le lien entre l’apport de déjections animales dans les parcelles et l’amélioration des récoltes. Par la simple observation empirique, les premiers agriculteurs ont bien vu que la présence de déjections rendait l’herbe plus verte. Que ce soit le fumier, le lisier ou le guano, tous ces fertilisants traditionnellement utilisés sont constitués de matière organique transformée ou digérée par des animaux sauvages ou d’élevage. Mais c’est seulement en 1848 que le chimiste allemand Justus Von Liebig comprend le rôle prépondérant de l’azote dans l’alimentation des plantes, cet azote qui constitue 79% de l’atmosphère mais qui n’est assimilable par les plantes que sous forme minérale dans le sol. Et c’est bien la minéralisation des déjections animales et des résidus végétaux, qui fournit l’azote nécessaire à la croissance des plantes. C’est cette découverte du rôle prépondérant de l’azote dans le rendement des végétaux qui allait conduire, plusieurs décennies plus tard, à ce que beaucoup considèrent comme la plus grande innovation agroindustrielle du XXe siècle.
By G. Demarquest , I. aouriri July 7, 2023
Au cours des dernières décennies, l'augmentation exponentielle de la population a fait explosé les besoins alimentaires mondiaux. C’est en partie l’application massive d’engrais azotés de synthèse qui a permis de soutenir cette dynamique. Ainsi, depuis 1960, la consommation de ces engrais a été multipliée par neuf dans le monde. Plusieurs facteurs en sont à l'origine. D'abord, les agriculteurs ont tendance à sur-fertiliser leurs parcelles pour éviter la carence des plantes et maximiser le rendement. Ensuite, des variétés de plantes de plus en plus productives ont été soigneusement sélectionnées par des efforts de recherche est de développement considérables. Cependant, pour atteindre les rendements attendus, ces nouvelles variétés requièrent des quantités d'engrais toujours plus importantes, et c'est bien l'application intensive de ces engrais qui s'est révélée être à l’origine de nombreux problèmes de santé publique.
More Posts